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Prise de position pour éradiquer le dopage



Les moutons noirs doivent être traqués, identifiés et sévèrement punis. Mon œil critique sur le sport ne date pas d’hier. Si j’ai pris position en faveur de contrôles antidopage systématiques, c’est que, malheureusement, le fléau a aussi gagné les disciplines que j’exerce. Les exemples de cas positifs - même s’ils demeurent des exceptions - en course à pied et lors de la récente PDG confirment qu’il faut intensifier la lutte.

Publié sur mon blog en 2010 et toujours actuel.

 

Penses-tu que les concurrents que tu côtoies sont propres ?

Oui, je pense sincèrement que la grande majorité des athlètes le sont. Difficile à estimer cependant si, parmi l’élite mondiale, 1 sur 10 triche ou si c’est plus : impossible à savoir. Le dopage existe en course à pied (par exemple E. Desco, championne du monde de course de montagne, contrôlée positive à l'EPO en 2009, en couple avec l'ancien vainqueur de Sierre-Zinal Marco De Gasperi) et en ski alpinisme (par exemple Patrick Blanc positif à l'EPO à l'arrivée de la PDG en 2008).


Quel est ton avis sur des affirmations du type « tous dopés » dans le sport de haut niveau ?

Elles sont fausses. Il ne faut pas oublier que les champions se distinguent des populaires d’abord par leurs prédispositions naturelles. Il y a des sportifs passionnés qui s’entraînent énormément, sans jamais pouvoir rivaliser avec les meilleurs. Presque sans entraînement, j'ai couru Sierre-Zinal en 3h42 alors que j'avais 10 ans. Quand j'étais jeune on me surnommait le "phénomène" car j'étais beaucoup plus fort que les autres de mon âge, surtout dans les longues distances. A 18 ans, j'ai réalisé 8'22 sur 3000m sans entraînement spécifique pour la piste.


Peut-on devenir champion du monde sans dopage ?

Bien sûr! De grands talents bien entraînés peuvent obtenir ces consécrations. En revanche, je pense qu'ils sont aussi souvent barrés par des athlètes dopés. On ne peut jamais savoir avec une certitude absolue ce que font les autres. Certains, à l'instar de Patrick Blanc, ont volé des médailles et fait reculer dans le classement des athlètes plus forts qu'eux: les semaines avant les championnats, je précédais toujours très largement Patrick Blanc dans toutes les Vertical Race... A contrario je n'ai jamais eu le moindre doute sur le plus fort skieur alpiniste de l'histoire à mes yeux, le français Florent Perrier qui est aussi l'unique athlète au monde à m'avoir été constamment supérieur en Verticale Race: il était une véritable force de la nature!


Quels sont les éléments qui te confortent dans cette conviction ?

La régularité des performances surtout. Un champion est toujours un champion, il peut reproduire des performances presqu’équivalentes à tous moments. Au haut niveau, il est tout simplement impossible de progresser de plusieurs minutes par heure en une semaine, comme on le constate parfois aussi avec des compétiteurs. On voit aussi des coureurs régionaux sans grand talent (cela peut s'observer notamment par leurs résultats dans les jeunes catégories d'âge à un moment où il n'est pas nécessaire de beaucoup s'entraîner respectivement quand tous les enfants participent aux mêmes entraînements dans un club) loin des meilleurs pendant 10 ou 15 années consécutives avant qu'ils changent de niveau en un clin d'œil: c'est très suspect!


Pourquoi donnes-tu la prévalence aux grands championnats ou à des courses populaires moins médiatisées?

Les contrôles antidopage sont fréquents lors des championnats, les transgressions a priori plus difficiles, en tout cas en course à pied où ils sont plus nombreux. Lors des épreuves moins portées par les médias, les tentations sont plus faibles. La médiatisation importante de certaines épreuves populaires peut entraîner tous les excès: Christian Charrière à Sierre-Zinal en 2006 a écopé de deux ans de suspension. Cela démontre que certains se chargent pour briller à l'occasion de courses populaires médiatisées pourtant sans grosse prime en argent.

Les classements observés à Sierre-Zinal, parfois aberrants en regard des forces en présence, sont à cet égard très évocateurs.


Ton père a été Président de la Commune d'Ayer qui incluait Zinal, et pourtant tu n'as pas couru Sierre-Zinal toutes ces dernières année?

Je sais ce que c'est que de souffrir. En 2004, j'ai terminé 5e avec une lésion acromio-claviculaire à cause d'une chute dans les escaliers subie quelques jours avant: j'ai pourtant pris le départ pour lui faire plaisir. En 2005 je me classai 4e alors que j'avais contracté une infection (borréliose due à une piqûre de tique) derrière d'excellents coureurs étrangers (R. Mejia, B. Burns et H. Schiessl) que j'ai régulièrement précédé lors des compétitions suivantes.

Gagner Sierre-Zinal aurait dû être un objectif. Il est clair que j'avais de belles chances de remporter cette magnifique course toutes ces dernières années. Mais je n'ai jamais accepté qu'un ou deux "concurrents" se transforment magiquement spécifiquement pour cette course: on a vu par exemple des viennent-en-suite y briller alors que tout le reste de l’année ils se situent à des minutes entières des meilleurs. Cela ne peut s’expliquer que par le dopage.


Les autres coureurs en sont-ils conscients?

Une partie d'entre eux oui, mais peu osent s'exprimer à ce sujet! Beaucoup de bons coureurs ne viennent pas à Sierre-Zinal car ils ne la connaissent pas (la notoriété du Jungfrau Marathon, par exemple, est nettement supérieure pour les suisses alémaniques). Beaucoup parce qu'ils priorisent d'autres objectifs que cette course très gourmande en énergie. Enfin certains s'abstiennent pour d'autres raisons: j'ai gagné des courses de côte comme Fully-Sorniot (59'59) ou Neirivue-Moléson (58'51) en moins d'une heure. Or, quand vous voyez par exemple un coureur qui n'a jamais été capable de courir plus rapidement que 1h04 sur ces côtes malgré de multiples tentatives et qui est soudainement capable de suivre les meilleurs le jour de Sierre-Zinal sur la première heure de course au profil de côte équivalent, il est évident qu'il y a un problème.


Qu'en pense ton père?

Il a été très déçu que je n'y participe pas, cela a été un véritable crève-cœur pour lui qui a en plus couru toutes les éditions de Sierre-Zinal ! Depuis 7 ans je bénéficie d’une Swiss Olympic Card, en tant qu’athlète d’élite avec des résultats au niveau international. A ce titre, je fais partie d’un pool d’athlètes susceptibles d’être contrôlés tous les jours de l’année en et hors compétition. Comme pour tous les athlètes de ce niveau, des contrôleurs viennent régulièrement me rendre visite au travail ou à la maison de manière inopinée. J’ai d’ailleurs toujours encouragé nos autorités sportives à multiplier les contrôles car ces derniers peuvent dissuader ceux qui pourraient être tentés. Les coureurs de niveau régional ne subissent jamais de contrôles hors compétition. Lorsqu'on sait qu'au départ de Sierre-Zinal il y a un ou 2 coureurs qui se réfugient à l'étranger pendant plusieurs semaines avant l'épreuve, il faut au moins des garanties de contrôles le jour de la course.


Existe-il des sportifs qui ne respectent pas les règles en Valais, ton pays d’origine ?

Le tricheur ne se distingue ni par son origine, ni par sa sympathie. J’ai personnellement plus confiance en des athlètes de niveau mondial qui sont réguliers, qu’en des régionaux qui ne se distinguent que pendant des périodes bien ciblées. Le Valais connaît aussi ces dérives, qui resteront impunies aussi longtemps que le manque de contrôles dans les courses populaires perdurera...


Quelles mesures encourages-tu pour combattre le dopage ?

1) Beaucoup plus de moyens financiers pour les campagnes de prévention et pour les contrôles ;

2) Un travail en réseau entre l’agence mondiale antidopage (AMA), les agences nationales d’application, les milieux médicaux et les autorités politiques ;

3) des contrôles systématiques des quatre premiers à toutes les compétitions afin de valider le podium, plus quelques populaires tirés au sort ;

4) des sanctions drastiques pour les tricheurs avérés;

5) des organisateurs qui prennent leurs responsabilités: lorsque nous avons organisé en 2006 les Championnats de Suisse de Vertical Race à Nendaz, nous avons fait appel à Antidoping Suisse pour qu'ils y effectuent des contrôles et les avons aussi cofinancés.

Malheureusement, ces vœux ne seront sans doute jamais exaucés!


Quelles sont les sanctions que tu préconises en cas d’infraction avérée ?

Il faut être bien plus sévère vis-à-vis de ceux qui transgressent les règles en vue d’augmenter leurs performances. 3 ans de suspension sportive lors de la première infraction et au minimum 5 ans pour une récidive, avec la possibilité de réduire d'un ou deux ans en cas d'aveux (volonté délibérée de s'être procuré des avantages illicites pour améliorer leur performance).

Et, aussi, il faudrait impérativement annuler les résultats obtenus pendant l'année précédant le contrôle positif. Or, ce n'est pas toujours le cas selon les pays et les fédérations.



 


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