Pendant une "carrière" sportive, il y a des évènements marquants. Ce sont souvent des résultats probants obtenus ou des échecs, mais pas toujours. Ce sont parfois d'autres situations qui laissent les souvenirs les plus forts.
As-tu des souvenirs d'évènements sportifs qui t'ont particulièrement marqué?
C'est ma première compétition en course à pied, la course du Soleil à Sierre. J'avais 10 ans, tous les jeunes de la ville et de la région y participaient. Nous étions plus de 150 au départ sur une distance de 1000m. A ma grande surprise, je l'ai remportée. Les jours qui suivirent, je me souviens avoir été fréquemment abordé par des élèves d'autres classes qui me demandaient si c'était bien moi qui avait gagné la course. Cela m'a profondément marqué car je ne m'y attendais pas du tout puisque je ne connaissais pas mes capacités alors.
Il y a-t-il des évènements qui t'ont négativement marqué dans la compétition?
Oui, plusieurs. Enfant, je gagnais presque toutes les courses. Lors d'une finale cantonale de cross-country se déroulant sur 2 boucles, j'étais en tête lorsque mon dauphin coupa un virage à l'instigation de son coach. Je l'ai rattrapé, puis dépassé et il a refait la même chose à la fin du second tour en passant sous une banderole: cela m'a traumatisé et je ne l'oublierai jamais.
Et plus tard?
J'ai vécu 2 autres chocs qui m'ont laissé groggy: l'un à des mondiaux de ski alpinisme où le vainqueur Patrick Blanc a fui volontairement le contrôle antidopage à l'arrivée sous les yeux de tous (c'était un contre la montre individuel comme en cyclisme, donc je l'ai vu aussi puisque j'avais déjà franchi la ligne d'arrivée). Les autorités sportives l'ont protégé et il n'a pas été sanctionné sur le moment. Deux ans plus tard il fut pincé pour un contrôle positif à l'EPO à l'arrivée, écopant de deux ans de suspension... mais sans que ces médailles précédentes ne lui soient retirées. C'est très frustrant de se faire voler un podium ou meilleur classement par un tricheur!.
Ou bien de savoir que tel ou tel coureur sans talent se dopait pour briller et gagner à Sierre-Zinal, alors même qu'il était incapable de rivaliser avec les meilleurs dès qu'il y avait de la pente dans toutes les autres course. Ou d'avoir reçu des lettres anonymes insultantes et menaçantes lorsque j'ai rendu public que je ne participerais pas à la Patrouille des Glaciers en l'absence de contrôles antidopage.
Pas de regrets pour la Patrouille des Glaciers?
La PDG est une épreuve extraordinaire qui m'aurait parfaitement convenu. Si les contrôles antidopage avaient été mis en place 2 ans plus tôt, j'y aurais participé avec enthousiasme: le profil de l'épreuve, avec de longues montées et descentes sans trop de technique (domaine où j'avais mes faiblesses) est taillé pour mes capacités. Mais je suis conséquent et, d'une certaine manière, différent: ce n'est pas parce que cette épreuve est la plus médiatisée du ski alpinisme que cela me motivait à y participer. Bien au contraire. Quand j'entends des compétiteurs valaisans affirmer que la PDG représente la consécration ultime pour tout skieur alpiniste, je respecte leur pâmoison mais ne partage pas du tout un tel chauvinisme!
Tes expériences les plus enrichissantes?
Il y en a plein mais celles qui restent furent sans conteste les rencontres lors des championnats du monde de course à pied (en cross-country en Junior et ensuite en course à pied de montagne): échanger avec des sportifs de cultures très différentes fut passionnant. Le respect réciproque avec la plupart des concurrents aussi: certains m'ont d'ailleurs appelé ou écrit pour me féliciter au sujet de mes positions courageuses en matière de lutte antidopage. Je pointais ces problèmes qui les faisaient souffrit également.
Et des surprises en terme de fair-play?
J'ai vécu beaucoup d'exemples remarquables de sportivité. Par exemple, lors d'un championnat du Monde de course à pied de montagne, je suis tombé dans un talus lors d'une descente mal maîtrisée: un coureur français m'a tendu le bras pour m'aider à remonter sur le chemin! J'ai peut-être perdu 15 secondes dans l'aventure par ma faute mais lui 4 ou 5 secondes pour m'aider: chapeau! Lors d'une compétition en Suisse centrale, je venais de faire la différence avant de me tromper de chemin: mon dauphin à ce moment-là, l'allemand Markus Jenne, a alors crié très fort. Je me suis retourné et ai compris que je faisais fausse route: sans ce geste remarquable de sportivité, je n'aurais jamais pu remporter cette épreuve!
Donc, des gentils et des méchants?
La plupart des compétiteurs sont sympa, modestes et propres. Pour prendre un exemple: en Vertical Race (montée sèche), le français Florent Perrier était quasi imbattable et le seul qui m'était toujours supérieur dans ce type d'effort: il faut savoir reconnaître son talent et sa classe sans arrière-pensée! Pour moi, il est à tous égards le meilleur skieur alpiniste de l'histoire. En revanche, une petite minorité de tricheurs pourrissent la compétition. Savoir que des régionaux, pour un peu de gloriole, se dopent pour des épreuves populaires comme Sierre-Zinal (l'un a même annoncé sa victoire à l'avance alors qu'il accusait 3 à 4 min/heure de retard sur les meilleurs à chaque course) ou la PDG, démoralise et dégoûte tous les vrais talents. Surtout quand on sait d'avance qu'il n'y a pas ou peu de contrôles antidopage.
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